Carnitine en tant que brûleur de graisse
La carnitine, tout comme la créatine (bien qu’elles aient des fonctions très différentes), est un supplément existant depuis des années (et même des décennies). Elle a toujours été catégorisée comme un produit servant à « brûler » ou « mobiliser » la graisse corporelle. Considérée par un public plus averti comme un simple placebo, principalement car aucune étude (jusqu’à très récemment) n’avait réussi à prouver sa réelle efficacité quant à accélérer ou faciliter la perte de masse graisseuse.
Intéressons nous de plus près à la substance elle-même : La carnitine est composée de plusieurs acides aminés et se trouve naturellement dans le corps humain. Elle est produite dans les reins et le foie et se trouve dans la viande et les produits laitiers. Son rôle principal est lié à la production d’énergie et à la métabolisation des acides gras. En résumé, sa fonction première est de transporter les acides gras à longue chaine dans les mitochondries de sortes à ce qu’ils puissent y être oxydés pour produire de l’énergie et d’évacuer les acides gras à courte chaine hors des mitochondries (organes cellulaires responsable de la production d’énergie.).
C’est pour cette raison qu’il a longtemps été supposé que la carnitine facilitait la perte de graisse. En effet, la théorie était que durant un effort physique nécessitant beaucoup d’énergie, plus la quantité de carnitine contenue dans les cellules musculaire était élevée, plus le corps aurait tendance à favoriser la graisse comme source d’énergie, avec pour résultats, une net perte de masse graisseuse ainsi qu’une économie du précieux glycogène (permettant une performance prolongée).
Et bien que cela fasse beaucoup de sens sur papier, jusqu’en 2011, aucune étude n’avait réussi à prouver que la supplémentation à la carnitine avait un quelconque effet sur l’oxydation des acides gras et sur la perte de masse graisseuse. Le problème principal était que la supplémentation orale de carnitine ne garantissait pas une augmentation de la quantité de carnitine dans les cellules musculaire, le supplément n’arrivait pas de lui même à bon port.
La solution au problème fut trouvée et exposée dans deux études de Wall et al. en 2011 et 2013. Pour s’assurer que la carnitine atteigne les cellules musculaires, une boisson contenant 80 grammes d’hydrates de carbone (sucre) fut ajoutée à la carnitine de sorte à générer un pique d’insuline, assurant l’absorption optimale de la carnitine par les muscles.
Ce protocole permis une augmentation de vingt pourcent du niveau de carnitine dans les cellules musculaires après une période de douze semaines, avec pour résultat une réduction de l’utilisation du glycogène de cinquante pour cent, et une augmentation de l’effort total de trente-cinq pourcent. En ce qui concerne la perte de graisse, les résultats sont tout autant convainquant : le groupe de contrôle qui ne consommait que la boisson sucrée (deux fois 80 grammes par jour), sans la carnitine, subit une prise de poids de 1.8 kg en moyenne (presque entièrement sous forme de masse graisseuse), alors que le groupe qui consommait la carnitine en plus du breuvage sucré ne subit aucune prise de poids.
En plus de l’ajout d’hydrates de carbone pour provoquer un pique d’insuline, la quantité de carnitine consommée quotidiennement par les sujets de l’étude est considérablement plus importante que la dose habituellement recommandée par les fournisseurs de suppléments. En effet, il est en généralement conseillé de ne pas dépasser une dose d’un gramme à un gramme et demi par jour, alors que les sujets des deux études consommaient deux doses de 1.36 grammes par jour (2.72 grammes par jour).
La dernière, mais peut-être la plus importante observation effectuée par Wall et al. dans ces deux études est une augmentation de l’expression de certains gènes liés au fonctionnement de l’insuline et à l’oxydation des acides gras, ce qui a pour résultat une meilleure sensibilité à l’insuline. Cela signifie que la carnitine en tant que suppléments pourrait avoir des bénéfices thérapeutiques contre la résistance à l’insuline et l’obésité.
Posologie
Il est maintenant clair que l’inefficacité supposée de la carnitine en tant que supplément n’est due qu’au protocole de consommation ainsi qu’aux quantités recommandées. Nous pouvons donc appliquer les découvertes de ces deux études pour maximiser les effets potentiels de ce supplément.
Tout d’abord pour s’assurer de l’absorption de la carnitine par les muscles, il est impératif de l’ingérer avec au moins 80 grammes d’hydrates de carbone. Cela ne signifie pas qu’il faut consommer plus de sucre, ou encore changer ses habitudes alimentaires, il suffit de consommer la carnitine avec un repas (riche en hydrates de carbone).
Ensuite, bien qu’il soit important de ne jamais tomber dans l’exagération lors de l’ingestion de supplément, pour obtenir des résultats quantifiables, assurez-vous de consommer une quantité suffisante (entre 2.5 et 3 grammes par jour).
Aucune étude sur les effets de la carnitine n’a, à ce jour, observé d’effets secondaires indésirables ni de risques pour la santé (à l’exception d’individus souffrant d’hypothyroïdie ou de crises d’épilepsie chez qui la carnitine peut amplifier les symptômes indésirables).
Il est tout de même important de se soucier de la qualité et de la composition exacte des suppléments à la carnitine présents sur le marché. En effet, beaucoup de ces « fat burner », vendu sous le label « L-carnitine » contiennent d’autres produits (caféine, extrait de thé vert etc…) sensés faciliter la perte de masse graisseuse, l’efficacité de ces produits est très relative et leur consommation à l’excès peut avoir des effets indésirables. L’idéal est donc de la carnitine pure sous forme de liquide ou de poudre.
La patience est aussi un facteur important, bien que les études aient démontré des effets importants et positifs, les premiers changements remarquables sont apparus après douze semaines. N’espérez donc pas de résultats flagrants avant trois à quatre mois.
Une dernière chose qu’il faut garder à l’esprit est que l’efficacité de la carnitine est liée de très près à l’exercice, tous les sujets participant aux deux études sont des individus actifs qui s’entraînent régulièrement. La supplémentation à la carnitine sans un programme d’entraînement bien conçu ne peut générer de changements corporels importants.
Autres bénéfices de la carnitine en tant que supplément
Il a été démontré que plusieurs semaines d’ingestion orale de carnitine atténuent fortement les symptômes de l’hyperthyroïdie.
Dans plusieurs cas de démences et de patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, la neurodégénérescence s’est vue grandement ralentie après une année de supplémentation à l’Acetly-L-Carnitine en comparaisons avec des patients souffrant des mêmes symptômes mais ne consommant pas de carnitine.
Ceci est probablement dû au fait que la carnitine supporte et améliore la santé mitochondriale et par ce biais, réduit les dommages oxydatifs subit par le cerveau.
Les différentes formes de carnitine sur le marché
La carnitine en tant que supplément est disponible sous différentes formes :
L-Carnitine : la plus commune et la meilleure marché, c’est ce type de carnitine qui est utilisé comme supplément visant à réduire la masse graisseuse et améliorer les performances.
Acétyl-L-Carnitine : Souvent utilisée dans le cadre d’études sur la maladie d’Alzheimer et les troubles cognitifs.
Propionyl-L-Carnitine : Souvent utilisée dans des études concernant les maladies cardiovasculaires.
A éviter : D-Carnitine : elle interfère avec la forme naturelle de L-Carnitine et peut donc produire des effets indésirables.
En résumé, cela a pris plusieurs décennies, mais la carnitine a finalement tenu ses promesses. Il suffit d’appliquer le protocole de consommation adéquat pour s’assurer de sa bonne absorption et de ses effets : Augmentation de la dépense d’énergie par le corps, ainsi que l’augmentation de l’oxydation des acides gras, sans oublier une économie du glycogène ayant pour résultat une diminution de la production d’acide lactique, permettant de meilleures performances.
Références :
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